La Goutte d'Huile
Bulletin de liaison de la Confrérie des Chevaliers de l'Olivier du Languedoc-Roussillon
Toujours selon l'agence citée, « Les pesticides organophosphorés ont une toxicité aiguë (effets nocifs lors d'une forte exposition) plus élevée que celle des pesticides organochlorés mais ils se décomposent rapidement à la lumière du soleil et au contact de l'air et du sol, bien que l'on puisse en détecter de petites quantités dans les aliments et l'eau potable. » Nous poursuivons notre citation : « L'exposition aux pesticides organophosphorés [IOP] peut se faire par l'ingestion, l'inhalation, ou le contact cutané. La population générale est exposée durant l'utilisation domestique ou le jardinage, que ce soit par inhalation ou à travers la peau. L'apport peut se faire également via l'alimentation. L'épandage est un mode d'intoxication fréquent, les particules transportées par l'air étant retrouvées à plus d'1 à 2 km du lieu d'épandage. Les ouvriers agricoles, les applicateurs de pesticides et les fabricants de ces pesticides peuvent avoir des niveaux élevés d'exposition. En milieu de travail, la voie cutanée est souvent la principale voie d'exposition. »… « Les OP ont une forte affinité pour les graisses et franchissent ainsi aisément toutes les barrières biologiques, cutanées, digestives et respiratoires. Suite à l'absorption, la plupart des OP sont rapidement transformés et éliminés dans l'urine (environ plus de 75 %) dans les 48h suivant l'exposition. La majorité des OP sont transformés en produits de dégradation appelés dialkylphosphates, qui sont éliminés et mesurables dans l'urine. Cependant, certains OP produisent des produits de dégradation, qui leur sont spécifiques. » D'où, pour les agriculteurs et oléiculteurs utilisateurs, des costumes spéciaux qui les font ressembler à des cosmonautes et à qui la loi impose désormais de posséder un certificat d'aptitude professionnelle à l'emploi de ces substances.
Le cas du diméthoate a été réglé par l'ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire et de l'Alimentation). Nous citons le syndicat « Confédération paysanne » sur son site internet : « 16.03.2016 Suite au retrait par l'ANSES* du diméthoate, un insecticide organophosphoré, en raison de son impact sur la santé humaine, l'Etat doit impérativement prendre des mesures économiques et commerciales en direction des producteurs de cerises. En effet, le drosophila suzukii cause depuis quelques années de très importants dégâts sur les cerises. Le diméthoate s'étant avéré être la seule molécule vraiment efficace, il a fait un retour en force dans les pratiques phytosanitaires. Cependant sa toxicité menaçait la santé des paysans, de leurs salariés et des consommateurs et exposait la filière aux conséquences incalculables sur la consommation de cerises qu'aurait pu causer un accident sanitaire. » Il cite le Ministre de l'Agriculture « « Les produits phytosanitaires sont comme une bombe à retardement », Stéphane Le Foll, Libération, 29 janvier 2015 » Il s'agissait de protéger les producteurs et surtout les consommateurs de cerises (l'oléiculture, hélas, ne pèse pas lourd !). En faut-il plus ? Une oléicultrice, professionnelle et syndicaliste de l'Hérault, déclarait en privé « C'est pour protéger l'opérateur qui répandait ce produit a été interdit. ». Selon le site « SAGE pesticides », à propos du diméthoate : « Cet insecticide est très toxique chez les abeilles (DL50 par voie orale = 0,05 µg/abeille et DL50 par contact = 0,16 µg/abeille). ». Il n'y a pas d'abeilles qui butinent les fleurs d'oliviers mais les fleurs de cerisiers sont très visitées. Outre la France, le diméthoate vient d'être interdit en Italie et en Espagne.
Selon l'AFIDOL et son « Cahier de l'oléiculteur » 2016 pages 4 et 5 et 2017 page 5 et 5, il y a 5 molécules dans la liste des produits phytosanitaires autorisés (le diméthoate a été exclus). Il y a encore du choix, pour les titulaires du certiphyto, dans les adulticides préventifs et les larvicides curatifs. À vous de choisir ! Avec la version 2017 apparaît une colonne « dangers » avec quelques symboles inquiétants.
Il y a des alternatives au diméthoate, les oléiculteurs qui ont suivi les formations au certiphyto doivent savoir leur signification. Sauf la lambda-cyalothrine (Karaté , Ninja, Sentinel ou autres Scimitar !), tous sont dangereux pour les abeilles, deltaméthrine compris (préparations utilisables sans certiphyto). Celui qui applique ces produits doit être un technicien formé et compétent, dûment équipé et habillé (tenue de cosmonaute ?) : il ne s'agit plus d'arroser arbres et sol mais, avec un pulvérisateur dûment contrôlé (et réparé), d'agir en temps et en heure en sachant si le produit ainsi distribué vise des mouches adultes ou des asticots (larves et larvicides) nichés dans les olives. Prévenir vaut mieux que guérir disent les médecins. D'une manière générale, les pièges et les filets de protection devraient permettre de régler élégamment le problème de la mouche de l'olive (et celui des mouches de la cerise Rhagoletis et Drosophila, au passage ! nos bouteilles en capturent). Il y a là un changement complet de culture des oléiculteurs, un virage à 180°, une révolution "oléiculturelle". Celle qui nous tient à cœur est le rééquilibrage écologique des oliveraies (nous le pratiquons depuis 10 ans). Cette pratique conduit vers la culture biologique (le bio) et la production d'huiles de qualité répondant à une demande forte des consommateurs.
Une remarque : la mouche ne sera pas éradiquée, pas plus qu'avec les pesticides durs. Comment expliquer qu'elle réapparaît chaque année malgré les quintaux de molécules toxiques qu'elle reçoit ? Les bouteilles pendues sous les arbres sont relativement sélectives, les orifices ne laissent passer que la mouche et quelques insectes de la même taille. Les plaques jaunes enduites de glu (un adhésif) ramassent sans distinction tout ce qui passe, y compris les oiseaux qui viennent picorer les insectes englués.
Raymond GIMILIO
Docteur en sciences biologiques, certifié en chimie systématique