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La Goutte d'Huile 


Bulletin de liaison de la Confrérie des Chevaliers de l'Olivier du Languedoc-Roussillon

© Copyright 2014 Confrérie des Chevaliers de l'Olivier du Languedoc-Roussillon  - Conception et réalisation Berjal

Essai d'explication de la pollinisation des oliviers



Notre olivier (Olea europaea) a, sur le même pied, des fleurs qui sont mâles-femelles (hermaphrodites) et d'autres seulement mâles. On dit qu'il est andro-monoécique. De nombreux oléiculteurs pensent que leur arbre est autofertile et se suffit à lui-même : il s'autoféconderait. Les scientifiques pensent que, normalement, l'olivier ne s'autoféconde pas (récemment encore Bervillé et Breton, 2012, 2014 et 2015) et sont d'accord sur le fait que « La dépression de consanguinité est telle pour la plupart des espèces que la sélection naturelle a retenu une grande diversité de mécanismes qui favorisent la fécondation croisée (par opposition à l'autofécondation) ». Nous avons tenté de synthétiser ici les résultats exposés par Catherine Breton et André Bervillé (Une synthèse dont nous vous prions d'excuser le langage très scientifique).


Auto-fertile ou auto-incompatible ?


De nombreux mécanismes existent chez les végétaux supérieurs, pour empêcher cette autofécondation : c'est l'auto-incompatibilité (SI en anglais self-incompatibility). Elle est due chez l'olivier à un mécanisme fonctionnel bio-chimique, causé par des gènes particuliers, spécifiques. On appelle ce mécanisme SSI. Les variétés cultivées ou cultivars ont des pourcentages variables de fleurs mâles et hermaphrodites (5% de fleurs hermaphrodites chez le Lucquier, 95% chez l'olivier Salonenque). Ces pourcentages peuvent varier aussi en fonction des conditions environnementales.


Auto-incompatibilité fonctionnelle


Chez l'olivier, c'est un mécanisme de reconnaissance pollen-stigmate du style de l'ovaire. L'individu olivier est un clone de son ancêtre, il a un nombre pair de chromosomes (il est dit diploïde). Il est un « ramet », résultat de la multiplication végétative, un clone (bouture, greffe, récemment culture de tissus). Au contraire de l'olivier poussé d'un noyau « un ortet », tous les individus obtenus par multiplication végétative ont les mêmes gènes, en paire. Appelons ce gène S. Si notre pied a les variantes R1 et R2, les cellules du grain de pollen auront les gènes R1 ou R2. Les grains de pollen arrivant sur le stigmate d'un olivier appartenant au même cultivar sont porteurs de R1 ou R2, comme le stigmate du style de l'ovaire. Ils seront bloqués.

On a mis en évidence des variantes (allèles) de ces gènes, au nombre de 6, notés R1 à R6. Le Picholinier est R1R3, ainsi que l'Arbéquinier. Le Bouteillan, l'Olivière, le VerdaleH (V. de l'Hérault) sont R3R4. Ce dernier pourra fournir du pollen à un Picholinier ou à un Arbéquinier. De même, l'Aglandau (R2R5, ou Verdale de Carpentras) pourra féconder un R1R3.


Mécanismes d'autofécondation


Breton et Bervillé parlent de cas d'autofécondation constatés. Les vergers d'oliviers étaient autrefois cultivés en vergers hétérogènes dont les cultivars provenaient pour la plupart de noyaux germés (provenant de fruits fécondés au gré des vents). Si on ne savait pas identifier le cultivar, on le gardait car « on ne tue pas un olivier » sciemment. De nos jours, sauf exceptions, les vergers sont homogènes. Le cas le plus récent est la plantation du Mas-Dieu (Murviel-les-Montpellier, bassin oléicole de Pignan) où, sur 43 ha, ont été plantés 13.000 oliviers appartenant aux cultivars Lucquiers, Picholinier, Négret de Calvisson, Violet de Montpellier, Aglandau et Rouget de Pignan (et par erreur du Rouget d'Ardèche).

Cependant, il a été constaté qu'en l'absence d'un pollen adéquat, les arbres s'auto-fécondaient, malgré le puissant mécanisme d'auto-incompatibilité. Cependant, cette auto-fécondation est préjudiciable au rendement et à la régularité de la production. Là où on ne trouve que des variétés incompatibles (Tanche-Aglandau, Lucques-VerdaleH,), seule l'auto-fécondation fonctionne. La Lucques est mâle stérile, elle ne peut produire de fruits sans polliniseurs compatibles.


Hiérarchie des allèles


Il y a une hiérarchie de dominance chez les allèles. C'est un modèle simple qui implique 6 allèles S notés de R1 à R6 et dont la dominance est R6 > R2 > R1 = R3 = R5 > R4, le signe > indiquant la dominance et le signe = la codominance. Ces 6 allèle permettent 15 combinaisons 2 à deux. Les relations de dominance engendrent 8 types de pollens : R6, R2, R1, R3, R5, R1R3, R1R5, et R3R5, par le jeu des dominances.


Les anciens connaissaient intuitivement le rôle de certains cultivars. La VerdaleH avait la réputation de stimuler les vergers de Picholines !


Cas du Lucquier


Les arbres producteurs d'olives Lucques, les Lucquiers, ont une grande importance économique dans la zone « Olive du Languedoc » (Aude, Hérault,). Le Lucquier est R2R3. Il pourra recevoir les pollens n'exprimant pas les gènes R2 et R3, à condition que la floraison des polliniseurs soit synchronisée (Moutier, Villemur, Calleja, 2012). Le Lucquier fleurit de manière précoce, ce qui nécessite des polliniseurs à floraison synchronisée (13 mai 2015 constaté à Montpellier).

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