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La Goutte d'Huile 


Bulletin de liaison de la Confrérie des Chevaliers de l'Olivier du Languedoc-Roussillon

© Copyright 2014 Confrérie des Chevaliers de l'Olivier du Languedoc-Roussillon  - Conception et réalisation Berjal

N ° 8 été 2016

(Avec la permission d'imprimer et de diffuser du Grand-Maître de la confrérie)


Editorial


Quand il est intronisé, le Chevalier de l'Olivier s'engage par serment « à défendre l'olivier dans tous ses états ». Ce ne sont pas des mots prononcés à la légère dans une cérémonie « folklorique » mais un engagement réel. Un engagement parfois difficile à tenir mais qui constitue une mission exaltante. Au moment où notre région double sa surface, nous entendons ou nous lisons des paroles consternantes sur l'avenir de nos oliviers, de nos olives et de nos huiles.


Nos oliviers constituent un patrimoine aussi ancien que les vignes. Curieusement, en bien des lieux médiatisés, seuls la vigne et le vin semblent retenir l'attention des médias. A part quelques rares exceptions, l'olivier est inconnu ou ignoré. Pourtant, notre confrérie vit, défile, répond aux invitations selon les disponibilités de chacun. Nous donnons des conférences, nous investissons dans les collèges et lycées, nous tenons année après année nos chapitres dans toute l'ancienne région Languedoc-Roussillon. De nouveaux chevalières-chevaliers sont intronisés de Banyuls à Aspères en passant par Corconne et Pignan, du nord au sud et de l'est à l'ouest. Nos contacts  sont établis avec la profession oléicole et ses représentants au sein des unions professionnelles  des départements, même si certains bassins oléicoles ont tourné (provisoirement ?) le dos. Des scientifiques nous prêtent leur concours. Pollinisation des oliviers, lutte contre les insectes parasites en rétablissant les équilibres biologiques de nos oliveraies, un défi à relever. Nous sommes pour certains, des retraités de la recherche scientifique. Que ne ferions nous pas pour notre arbre sacré, ses fruits et son huile.


Le « Paysan du Midi » n° 2103 du 9 octobre 1986, dans sa page 6, titrait fièrement « L'Oléiculture n'est pas morte » ! L'article, plein d'espoir après la catastrophe climatique de 1985, concluait  avec

« L'oléiculture de demain » pour « alimenter les confiseries et faire tourner les moulins ! ». Aujourd'hui, assez de lamentations stériles du côté de certains ! Plus d'excuses, assez de paroles, des actes. Nous reprenons en juillet 2016 le titre de 1986 : « L'Oléiculture française n'est pas morte » ! La défense de nos productions de qualité face à des huiles de provenances douteuses doit jouer à plein. Assez de « diverses provenances … » Nous défendons, avec la biodiversité dans nos oliveraies, l'héritage que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants.

Raymond GIMILIO Majoral de la Confrérie



La complainte de la Mouche de l'Olive

Je m'appelle Bactrocera oleae. Depuis des siècles, je vivais dans les oliviers, profitant des fruits mûrs et juteux de ce buisson. En l'an 79 ap. J.C., mes ancêtres ont parasité les olives qu'un habitant de Pompéi s'apprêtait à consommer (des olives farcies, miam !). Nous avons alors péri dans les gaz délétères du volcan. On nous retrouvera vingt siècles plus tard enfouis sous la cendre qui recouvrit le site, enfoui sous la colère du volcan Etna. Mes sœurs réparties sur le pourtour de la Méditerranée ont survécu, se nourrissant de la chair acerbe de l'olive, un délice ! J'ai accompagné des générations d'humains vivant des olives et de l'huile d'Olea europaea. Un jour, en 1974, un savant, Monsieur GMELIN me baptisa scientifiquement et solennellement Bactrocera olea et décida de m'inclure dans une famille de mouches rassemblant mes cousines proches, les Téphritidées, famille reconnue par Monsieur NEWMAN en 1834. Puis un jour, la nourriture étant abondante, les olives bien nourries et bien grasses, la température me convenant, je me suis mise à proliférer avec mes semblables. Proliférer à un point tel que les récoltes rongées par le petit ver issu de ma ponte (200 œufs de ma femelle) n'ont plus été bonnes à rien. Les insecticides les plus violents ont provoqué des hécatombes de mes semblables qui se sont multipliés de plus belle. Le dernier en date, le diméthoate, violent organophosphoré a été interdit car trop dangereux pour les humains qui le manipulent et se lamentent de ne plus le trouver dans les boutiques françaises. Tant mieux pour nos mouches ?

Depuis quelques années, un nouveau procédé nous décime lentement. Nous sortons des pupes enfouies sous l'arbre, entre la mi avril et le début mai. A la fin juin-début juillet nous piquons les olives. Des feuilles de plastique jaune collées sur des bouteilles d'eau minérale récupérées nous attirent de loin. Ces maudits pièges percés à mi-hauteur dégagent une succulente odeur d'ammoniaque qui nous rend folles. Nous plongeons la tête la première dans les trous et … nous nous noyons dans le liquide que nous avions cru nourricier. Et c'est ainsi que nous finissons  notre carrière, en bio. Les 200 œufs que chacune de nos femelles porte et que nous avons, nous, mâles, fécondées avec amour, ne seront pas pondus. Certaines de ces bouteilles portent des tubes qui nous font croire à l'odeur des phéromones de nos femelles. Les feux de l'amour et notre soif attisée par la canicule viennent nous conduire au tombeau. Nous ne pourrons pas, sauf quelques survivantes, atteindre septembre où à la faveur de la fraîcheur automnale nous pouvions nous déchaîner à piquer pour pondre et ravager ainsi la récolte. Maudits pièges à phosphate di- ammonique, maudit liquide dosé à 40 g/l d'eau de phosphate dans lequel nous nous noyons ! Certains rendent le liquide plus attractif avec des hydrolysats de protéines dont nous raffolons. Ces pièges artisanaux ne sont pas parfaits, quelques sœurs arrivent à trouver la sortie, mais si peu ! Alors, des industriels ont perfectionné ces pièges produits en série et à bon prix. Ils enduisent un couvercle transparent d'une méchante couche de lambda-cyalothrine que nous heurtons et qui nous foudroie, à sec. De profundis Bactrocera oleae.


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